En ce mois d’octobre, où nous célébrons le Mois canadien de l’histoire islamique et le Mois de l’histoire des femmes, Elle a une fille de 13 ans en 8e année, un fils de 10 ans en 5e année et une fille de 4 ans en maternelle. Choisissant l’éducation francophone pour ses enfants, elle valorise l’apprentissage du français à l’école.
Fatoumata est gérante séniore à la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL), où elle travaille depuis 9 ans. Elle a occupé divers postes en analyse de données et du risque, mais aussi des postes de gestionnaire. Cette expérience au sein de la SCHL est une façon pour Fatoumata d’utiliser ses forces pour aider la société canadienne en ce qui concerne le logement, mais cela lui permet aussi de mieux comprendre la culture du travail canadienne. Elle a trouvé au sein de cet employeur ce qu’elle recherchait en immigrant au Canada : « un monde de possibilités » où on peut être soi-même, tout en évoluant; où on a une voix qui compte; et où on peut faire une différence pour les Canadiens et Canadiennes grâce à nos forces.
Faites confiance à votre intuition, elle est souvent le meilleur guide dans l’éducation de nos enfants.
Fatoumata Diallo
En parallèle, elle a fondé Ton Success Consulting, une entreprise qui aide les entrepreneurs à optimiser leurs affaires, à actualiser leurs données et à comprendre leur clientèle. Actuellement, elle y ajoute des branches de développement de leadership, de coaching de carrière et de gestion du changement. Ayant grandi en France, étant d’origine guinéenne et de confession musulmane, Fatoumata a une culture diverse et riche en expériences. Fille d’immigrés, elle-même immigrante, elle valorise la diversité de pensée autour de la table et milite pour l’inclusion sur tous les plans. Elle aime mélanger le français et l’anglais, ce qui se reflète dans le nom de sa compagnie.
Enfin, Fatoumata est aussi membre du conseil d’administration de Guinéennes et Solidaires du Canada (GESCA), une association aidant les immigrantes guinéennes à s’intégrer au Canada. Son parcours inspirant et ses multiples contributions au sein de ses communautés font d’elle une figure exemplaire pour ce mois de célébrations.
De quelle façon êtes-vous un parent engagé?
Je m’implique de plusieurs façons dans la vie de mes enfants et de la communauté. J’ai commencé par siéger aux conseils d’administration des garderies. Je voulais apporter une voix différente autour de la table, surtout en me servant de mes expériences personnelles, mais aussi en apportant un point de vue sur l’analyse de données et les statistiques. Cela a vraiment été mon premier pas vers un engagement plus large.
En tant que parent, j’essaie d’éduquer les enseignant(e)s de mes enfants, surtout parce que deux de mes jeunes sont atteints du TDAH et que je suis moi-même dyslexique. J’ai été diagnostiquée très jeune et mes parents n’avaient pas accepté le diagnostic, exprimant que leur enfant était « normale » et allait réussir à l’école. Ils m’avaient demandé de me concentrer sur mes forces pour réussir mes études.
J’ai commencé à vraiment apprendre et à comprendre la neurodiversité quand mes enfants ont été diagnostiqués à leur tour. Cela a changé ma vie de parent, car j’ai énormément appris sur moi-même. Depuis, je suis une fervente militante au sein de mon employeur (la SCHL), de ma communauté et du système scolaire. Par exemple, je pose souvent la question à savoir si les enseignants sont formés adéquatement pour comprendre et gérer ces différences ainsi que les biais associés. Je prends le temps de discuter avec eux au début de l’année scolaire pour m’assurer qu’ils et elles comprennent vraiment ce que le diagnostic de TDAH signifie, quels sont les besoins et comment aider mes enfants à recevoir une éducation inclusive.
À la maison, j’éduque mes enfants en leur racontant des histoires sur les différences et en leur faisant comprendre qu’elles ont une voix et qu’elles doivent l’utiliser. Je fais également partie de PPE, ce qui me permet de rester connectée et de contribuer à l’éducation de mes enfants.
En plus de mon engagement parental, je fais beaucoup de mentorat pour les jeunes leaders qui ne savent pas encore ce qu’ils aimeraient accomplir. Je partage souvent mon histoire personnelle et mon expérience d’intégration au système pour les inspirer et pour leur montrer qu’être différent, ce n’est pas grave : ça peut en fait être leur plus grande force! Mon but est de leur faire comprendre qu’ils peuvent réussir en étant eux-mêmes, en utilisant leur voix et en mettant à profit leurs forces.
Quelles sont les raisons qui motivent votre engagement?
Mon engagement est principalement motivé par le désir de rendre à la communauté ce qu’on m’a donné ainsi qu’à mes parents. J’essaie de démontrer cela à mes enfants aussi, en créant un cercle constant de donner en retour. J’ai eu la chance de vivre plein d’expériences enrichissantes et je souhaite la même chose pour mes enfants, mais je veux aussi qu’elles comprennent l’importance de redonner et de contribuer à leur tour.
Je crois que les enfants n’ont pas toujours les voix nécessaires pour se faire entendre, alors j’espère protéger et représenter mes filles jusqu’à ce qu’elles développent leur propre voix. Pour moi, il est essentiel de valider mes propres forces, tout en connaissant mes faiblesses, et de les faire voir comme des ajouts de force dans les yeux de mes enfants. Je suis fière de ma différence de neurodiversité et j’ai découvert que plusieurs de mes forces sont en fait dues à ma dyslexie. On pense souvent que des conditions comme celle-ci sont une faiblesse, mais elles apportent aussi de nombreux avantages à un individu. Les comprendre nous donne un « superpouvoir »!
Il est important de faire de petits pas pour éduquer notre entourage et de nous engager à partager notre histoire, car chaque pas compte. On ne sait jamais l’effet que nos propres expériences peuvent avoir sur quelqu’un; cela peut vraiment changer une personne, puis la société, par accumulation.
Quels conseils souhaitez-vous donner aux parents de votre communauté?
Je pense que le plus important est de bien vous connaître vous-même et de connaître vos droits et vos devoirs. Apprenez à savoir ce dont vous êtes responsable, mais aussi ce dont les autres sont responsables. Et mettez les personnes devant leurs responsabilités. Il est important de partager vos expériences et de parler à voix haute; cela peut aider à changer les choses.
Valorisez vos différences et parlez-en ouvertement, que ce soit avec vos enfants ou avec la communauté. Il est essentiel que les enfants soient conscients de leur voix, de la beauté de leurs différences et du village de soutien autour d’eux que vous avez construit au fur et à mesure qu’ils grandissent. N’hésitez pas à mettre les enseignant(e)s au défi. L’éducation ne se résume pas uniquement à ce que les parents ou enseignant(e)s apprennent aux enfants, mais aussi aux principes et aux valeurs qui leur sont transmis. Souvent, les parents qui n’ont pas beaucoup d’éducation pensent qu’ils ne peuvent rien apporter à leurs enfants d’un point de vue scolaire, alors ils laissent la société les éduquer. À mon avis, c’est une erreur.
Mes parents, qui ne sont pas allés à l’école ou presque pas, s’asseyaient tous les soirs avec leurs enfants pour les devoirs, allaient voir les enseignant(e)s pour discuter et parfois même les challenger. Ils nous ont poussés à l’excellence et nous ont rappelé constamment que, pour pouvoir nous en sortir dans les quartiers en France, nous devions être persévérants et nous éduquer. Ils nous ont éduqués dans un milieu où se mélangent les cultures guinéenne, française et musulmane, en nous apprenant l’importance de voir ces différentes valeurs comme une force. Ils nous ont montré l’importance d’accompagner leurs enfants, même s’ils n’y comprennent rien ou ne croient pas avoir les moyens, car le simple fait de leur présence et de leur intérêt fait une différence.
En tant que parents, nous avons souvent tendance à ne pas écouter notre instinct. Moi, je vous dis de le suivre. Faites confiance à votre intuition : elle est souvent le meilleur guide dans l’éducation de vos enfants.
En cette période de célébration du Mois canadien de l’histoire islamique, comment pouvons-nous, en tant que parents partenaires en éducation, mieux soutenir et valoriser la diversité des expériences et des contributions des communautés musulmanes dans nos écoles francophones de l’Ontario?
Je crois que nous devons commencer par rassembler des histoires en allant à la rencontre des parents musulmans pour découvrir leurs vécus dans le système scolaire. Il est important de comprendre comment les parents de confession musulmane, qui ont très souvent un background culturel varié, arrivent à éduquer leurs enfants dans un environnement non musulman.
Ces histoires incluront, j’en suis sûre, des expériences merveilleuses, des défis et des réalités souvent affectés par des biais; une source d’apprentissage énorme. Pouvoir entendre ou lire des vécus et de vraies histoires, puis les utiliser pour faire des changements durables au sein du système éducatif serait une vraie réussite. Je comprends le besoin d’avoir des mois de célébrations, mais je trouve dommage que cela ne dure qu’un mois, puis qu’on passe à autre chose. J’aimerais vraiment voir, au-delà de la prise de conscience, des plans d’action annuels qui découlent de tous ces apprentissages : des actions concrètes, quelque chose comme : « On vous entend et voici notre plan concret pour procéder ». Le Mois canadien de l’histoire islamique devrait être une occasion de mettre en place des actions qui valorisent la diversité tout au long de l’année et de créer un environnement inclusif et respectueux dans nos écoles.
Il est crucial de parler de sujets réels et de matières qui touchent les différents types d’individus, de parents, d’enseignants, d’enfants et d’adolescents. Il faut vraiment écouter les problèmes ainsi qu’aborder des sujets souvent mal compris et mal représentés dans les médias. Organiser des débats dans un contexte non conflictuel, poser des questions et échanger des idées sont des moyens efficaces pour inclure les parents musulmans au cœur de cette discussion. En tant que parent musulman « visible », j’ai vécu des expériences très variées en fonction de l’enseignant(e) avec qui je discutais. Souvent, je me demandais par la suite : « Est-ce que les enseignants sont suffisamment formés et armés pour faire face à toutes ces belles différences que les parents de confession musulmane apportent? »
Si les instances gouvernantes pouvaient influencer et recommander des formations obligatoires autour des « biais conscients et inconscients », des récits pour développer la prise de conscience, ou encore des outils pour aider les enseignants, je pense que ce serait une belle victoire et un pas de plus vers une réelle « inclusion ». De son côté, PPE peut continuer à outiller et accompagner les parents afin qu’ils soient mieux préparés à naviguer ces enjeux et à jouer un rôle actif dans le parcours éducatif de leurs enfants.